Les Arbres de Prévert…
Merci à Jacques Prévert pour ce poème – qui mériterait d’être le poème phare de l’écopsychologie ; qui sera en tout cas le poème tutélaire de ce site…
En Argot
les hommes appellent les oreilles
des feuilles
c’est dire comme ils sentent que
les arbres connaissent la musique
Mais la langue verte des arbres
est un argot bien plus ancien
Qui peut savoir ce qu’ils disent
lorsqu’ils parlent des humains
Les arbres parlent arbre
comme les enfants parlent enfant
Quand un enfant
de femme et d’homme
adresse la parole à un arbre
l’arbre répond
l’enfant l’entend
Plus tard
l’enfant parle arboriculture
avec ses maîtres et ses parents
Il n’entend plus la voix des arbres
il n’entend plus
leur chanson dans le vent
Pourtant
parfois une petite fille
pousse un cri de détresse
dans un square
de ciment armé
d’herbe morne
et de terre souillée
Est-ce… oh… est-ce
la tristesse d’être abandonnée
qui me fait crier au secours
ou la crainte que vous m’oubliiez
arbres de ma jeunesse
ma jeunesse pour de vrai
Dans l’oasis du souvenir
une source vient de jaillir
Est-ce pour me faire pleurer
j’étais si heureuse dans la foule
la foule verte de la forêt
avec la peur de me perdre
et la crainte de me retrouver
N’oubliez pas votre petite amie
arbres de ma forêt
–
Ce texte est le premier poème du recueil “Arbres” (Gallimard, 1976).
La mise en forme est celle de l’édition originale.
Superbe poème que je découvre.
Merci juliette