En attendant que cette rubrique s’étoffe, et de pouvoir proposer de nombreuses ressources sur cette thématique essentielle de l’Ecopédagogie – comment notamment penser l’éducation pour qu’elle intègre un autre modèle de relations avec la nature –, une première source de réflexions : La charte de l’ecopédagogie, rédigée par l’Institut Paulo Freire (Brésil) et adoptée en 1999.
La charte de l’ecopédagogie
Cette charte, rédigée par l’Institut Paulo Freire au Brésil, avec l’appui de l’UNESCO, a été adoptée en 1999 lors d’une Première rencontre internationale d’écopédagogie.
Pour défendre une pédagogie de la Terre 1. Notre Mère Terre est un organisme vivant et en évolution. Ce qui lui est fait a une répercussion sur tous ses enfants. Elle requiert de notre part une conscience et une citoyenneté planétaire. C’est la reconnaissance que nous faisons partie de la Terre et que nous périrons avec sa destruction ou que nous pouvons vivre en harmonie avec elle, participant à son devenir. 2. Le changement de paradigme économique est la condition nécessaire pour établir un développement avec justice et équité. Pour être soutenable, ce développement a besoin d’être économiquement réalisable, écologiquement approprié, socialement juste, incluant, culturellement équitable, respectueux et sans discrimination. Le bien-être ne peut être seulement social, il doit être également socio-économique. 3. La soutenabilité économique et la préservation du milieu ambiant dépend également d’une conscience écologique et celle-ci de l’éducation. La soutenabilité doit être un principe interdisciplinaire ré-orientateur de l’éducation, de l’organisation scolaire, des systèmes d’enseignement et des projets politico-pédagogiques de l’école. Les objectifs et les contenus curriculaires doivent être signifiants pour l’élève et également pour la santé de la planète. 4. L’écopédagogie, fondée sur la conscience que nous appartenons à une unique communauté de vie, développe la solidarité et la citoyenneté planétaire. La citoyenneté planétaire suppose la reconnaissance et la pratique de la planète. Implique de traiter la planète comme un être vivant et intelligent. La conscience planétaire doit nous conduire à sentir et à vivre notre quotidien en connexion avec l’univers et en relation harmonieuse avec soi-même, avec les autres êtres de la planète et avec la nature, en considérant les éléments et la dynamique. Il s’agit d’une option de vie pour une relation saine et équilibrée avec l’environnement, avec soi-même, avec les autres, avec le milieu le plus proche et au-delà. 5. A partir de la problématique environnementale vécue quotidiennement par les personnes dans les groupes et espaces de convivialité et dans la recherche humaine de bonheur, on produit la conscience écologique et on opère le changement de mentalité. La vie quotidienne est le lieu de sens de la pédagogie car la condition humaine passe inexorablement par elle. L’écopédagogie implique un changement radical de mentalité en relation avec la qualité de vie et le milieu ambiant, qui est directement lié au type de coexistence que nous maintenons avec nous mêmes, avec les autres et avec la nature. 6. L’écopédagogie ne s’adresse pas seulement aux éducateurs, mais à tous les citoyens de la planète. Elle est liée à un projet utopique de changement des relations humaines, sociales et environnementales, promouvant l’éducation soutenable (éco-éducation) et environnementale avec pour base une pensée critique et innovatrice, dans ses formes formelle, non formelle et informelle, ayant pour propos la formation des citoyens avec une conscience locale et planétaire qui valorise l’autodétermination des pauvres et la souveraineté des nations. 7. Les exigences de la société planétaire doivent être travaillées pédagogiquement à partir de la vie quotidienne, de la subjectivité, ainsi à partir des nécessités et des intérêts des personnes. Éduquer pour la citoyenneté planétaire suppose le développement de nouvelles capacités, comme : sentir, vibrer émotionnellement, imaginer, inventer, créer et recréer, se mettre en relation et en inter-connexion, s’auto-organiser, s’informer, communiquer, s’exprimer, localiser et utiliser l’immense information du village global, chercher les causes et en prévoir les conséquences, critiquer, évaluer, systématiser et prendre des décisions. Ces capacités doivent amener les personnes à penser et agir globalement et de manière transdisciplinaire. 8. L’écopédagogie a pour finalité de rééduquer le regard des personnes, de développer l’attitude d’observation et d’éviter l’agression du milieu environnemental et des êtres vivants, le gaspillage, la pollution sonore, visuelle, la pollution de l’eau et de l’air pour intervenir dans le monde dans le sens de rééduquer l’habitant de la planète et de remettre en question la culture du jetable. Les expériences quotidiennes en apparence insignifiantes, comme un courant d’air, un souffle de respiration, l’eau du matin sur le visage, sont au fondement des relations avec soi-même et avec le monde. La prise de conscience de cette réalité est profondément formatrice. Le milieu environnemental forme autant qu’il est formé ou déformé. Nous avons besoins d’une écoformation pour reprendre la conscience de ces expériences quotidiennes. Dans l’ardeur à dominer le monde, nous courons le risque de les faire disparaître de notre conscience, si la relation qui nous lie à eux est seulement une relation d’usage. 9. Une éducation pour une citoyenneté planétaire a pour finalité la construction d’une culture de la soutenabilité, ce qui veut dire une bioculture, une culture de la vie, de la co-existence harmonieuse entre les êtres humains et entre eux et la nature. La culture de la soutenabilité doit nous conduire à savoir sélectionner ce qui est réellement soutenable dans nos vies, en contact avec la vie des autres. Il n’y a qu’ainsi que nous serons complices de nos processus de promotion de la vie et que nous marcherons dans ce sens. Avancer avec sens, cela signifie donner du sens à ce que nous faisons, partager du sens, imprégner de sens les pratiques de la vie quotidienne et comprendre le sens de beaucoup de pratiques qui ouvrent ou seulement essaient de prévaloir et de remplacer notre vie quotidienne. 10. L’écopédagogie propose une nouvelle forme de gouvernabilité contre la gouvernabilité du gigantisme des systèmes d’enseignement, proposant la décentralisation et une rationalité basée sur l’action communicative, la gestion démocratique, l’autonomie, la participation, l’éthique et la diversité culturelle. Comprise ainsi, l’écopédagogie se présente comme une nouvelle pédagogie des droits qui associe les droits humains – économiques, culturels, politiques et environnementaux – et les droits planétaires, impulsant le sauvetage de la culture et des savoirs populaires. Elle développe la capacité d’éblouissement et de révérence devant la complexité du monde et le lien amoureux à la Terre. |